dimanche 9 octobre 2016

Ça ne fait pas un pli !

Lorsque j’étais étudiant aux Beaux-Arts d’Angoulême, au sein de l’atelier-école de bande dessinée, nous avions la chance de recevoir la visite d’auteurs professionnels deux à trois fois par an. Frédéric Bézian, Alberto Breccia, Edmond Baudoin, Benoît Peeters, Jean Giraud Moebius, Tomi Ungerer... autant de gens de renom et autant de rencontres précieuses, d’instants magiques pour « l’auteur en herbe » que j’étais alors.

En règle générale, ces rencontres se déroulaient en deux temps : d’abord une discussion avec notre invité autour de son travail, de ses projets en cours. Jean Giraud, par exemple, nous avait apporté quelques planches originales de l’album Arizona love, la nouvelle histoire de Blueberry sur laquelle il travaillait alors... Quel souvenir !

Puis c’était à notre tour de montrer nos travaux. Dans l’attente de précieux conseils, me concernant.

Alberto Breccia et Edmond Baudoin se sont succédé à l’école à quelques mois d’intervalle. Le premier, sorte de vieux sage dont le visage irradiait de gentillesse, après avoir longuement et silencieusement parcouru mes pages, m’avait dit, par le biais de la traductrice : « Muchas lineas... » Trop de lignes !
Quant à Edmond Baudoin, dont j’avais depuis peu découvert et aussitôt admiré le travail, lorsqu’il constata ma difficulté à figurer les plis des vêtements, me conseilla, avec son bel accent niçois : « Quand tu ne sais pas dessiner quelque chose, ne le dessine pas. Ce sera toujours mieux que de le représenter maladroitement... » 

Dans les mois qui suivirent, mon dessin devint de plus en plus épuré, jusqu’à la limite de l’abstraction. En tout cas, plus de plis, jamais !
J’avais alors une vingtaine d’années, et il m’aura fallu attendre le travail sur Tartarin de Tarascon, quinze ans plus tard, pour essayer à nouveau de dessiner, mais ô combien timidement, des plis de vêtements.

Je ne dénigre pas ici les conseils reçus alors, car ils partaient d’un bon sentiment.
Mais peut-être aurait-il été plus judicieux de m’inviter à regarder comment s’en sortaient les autres dessinateurs avec ces satanés plis.

Aller copier les maîtres, en quelque sorte.

Depuis quelques années, de temps à autre, je remplis des pages de croquis de plis de vêtements, soit d’imagination, soit d’après photos, soit en copiant mes auteurs préférés, justement.
Je vous en livre ici quelques-unes...